Tyzhden.ua s’est entretenu avec le politologue et écrivain français au sujet des conséquences des bombardements américains en Syrie pour la politique mondiale. De plus, le sujet de l’influence russe dans la campagne électorale en France a été abordé. Cet entretien a été conduit par Alla Lazareva.

Paris a officiellement soutenu les bombardements américains en Syrie en réponse à l’utilisation d’armes chimiques. L’administration américaine, lors du mandat d’Obama n’a pas partagé les exigences de la France par rapport à l’ostracisme de Bachar el-Assad. Pensez-vous qu’il faut considérer les bombardements comme preuves du changement des priorités avec l’arrivée de Donald Trump?

D’abord, il faut s’interroger sur le message porté par la réaction de Donald Trump. Après l’accord de 2012 sur la destruction des armes chimiques du régime syrien, il ne pouvait pas ne pas réagir. C’est d’autant plus vrai qu’il semble accorder une grande importance à la guerre d’images.

Ceci posé, il faut noter le caractère minimal de cette réaction. Envoyer des missiles après avoir prévenu Moscou ne peut pas être considéré comme très belliqueux. Il est un peu tôt pour se prononcer, mais cet épisode ne dissipe pas les soupçons de complaisance de l’administration Trump à l’égard du Kremlin.

A votre avis, s’agit-il du retour d’un monde bipolaire, car les Américains ont pris une action indépendante sans l’appui du Conseil de sécurité des Nations Unies ? Pensez-vous que l’ONU s’est fait dépasser par le temps?

Les frappes ne donnent pas non plus de perspectives sur la nouvelle politique de Washington au Moyen-Orient. Là encore, il va falloir attendre un peu pour y voir plus clair.

Dans un tel contexte, François Hollande et Angela Merkel ont apporté leur soutien à l’action de la Maison Blanche, ce qui est dans l’ordre des choses, au vu de la gravité des faits. Ils ont aussi appelé à poursuivre cette action dans le cadre de l’ONU, ce qui pourrait refléter une certaine méfiance vis-à-vis de la tentation unilatéraliste américaine : le précédent de la guerre d’Irak de 2003 n’est sans doute pas oublié…

Trois candidats à la présidence française ont critiqué les bombardements américains en Syrie. Jean-Luc Mélenchon a affirmé qu’il s’agit d’un «crime», Marine Le Pen de plus a critiqué la décision de Trump, et François Fillon, étant évasif, a estimé qu’il faut «coordonner les actions avec les Russes». S’agit-il d’une influence russe sur la campagne présidentielle française ? Ou de l’ingérence politique? Récemment, les services secrets français nous ont mis en garde de cette menace…

La campagne présidentielle française donne l’impression étrange de se dérouler dans un univers parallèle.  Même si une majorité des français se méfient de Vladimir Poutine et de son action en Syrie, le public a clairement du mal à accorder de l’importance à la politique révisionniste de Moscou. Or, il fait face à une profusion de candidats qui affirment, à des degrés divers, que l’homme du Kremlin est la solution de nos problèmes de politique étrangère. Que ce soit sur le plan du modèle de société ou des moyens financiers, on voit mal comment Vladimir Poutine pourrait être une solution à quoi que ce soit – les manifestations des partisans d’Alexeï Navalny en sont un signe parmi d’autres. Mais cela n’arrête en rien ces candidats, dont l’audience traduit un malaise français très profond. L’action de la propagande de Moscou en France est avérée, et la société en est maintenant consciente, mais cette propagande ne peut prospérer que grâce à nos divisions.

Laurent Chamontin – le politologue et écrivain français

 Cet entrerien a été conduit par Alla Lazareva.

Source: Tyzhden.ua