Pendant que la société ukrainienne post-Maïdan célèbre sa victoire à l’Eurovision, les membres du «seul parti d’opposition au Parlement Ukrainien» font dans les médias occidentaux la promotion d’objectifs politiques tout à fait opposés.
Serhiy Lyovochkin est l’ancien chef de l’administration présidentielle de Viktor Ianoukovitch et un codirigeant du Bloc de l’Opposition au Parlement Ukrainien. Cet homme politique qui ne parle pas français a tout de même créé un blog sur la version française du site Huffington Post. Son premier texte est intitulé «Avec le soutien de la France et de l’Allemagne, l’Ukraine doit appliquer les Accords de Minsk II, au nom de la paix».
Les principes d’inscription sur ce site sont assez simples. Le candidat doit envoyer à l’éditeur une photo, un CV et une lettre de motivation expliquant pourquoi et sur quoi il va écrire. Bien que le journal en ligne engage un certain nombre de journalistes, ce sont les blogs qui assurent la réputation du site, celui d’une plate-forme pluraliste populaire et ou chacun s’exprime avec une grande liberté.
Serhiy Lyovochkin est un fonctionnaire de l’Etat ukrainien, propriétaire d’une villa luxueuse à Saint-Jean-Cap-Ferrat sur la Côte d’Azur, sur laquelle des médias ukrainiens et français ont écrit pas mal. Il a donc trouvé là une possibilité d’éprouver son éloquence en français. Rien d’étonnant. L’ancien Parti des Régions, qui est devenu le Bloc de l’Opposition, utilise toutes les occasions pour chercher sa revanche. Et la France, en tant que membre du groupe de négociation selon le format dit «de Normandie» voit agir sur son territoire un lobby pro-Kremlin puissant. C’est donc un pays attirant pour les personnes de l’entourage de Viktor Ianoukovitch.
Dans son article, Serhiy Lyovochkin présente une vue optimiste de la situation, affirmant que «les prochaines semaines offrent une vraie fenêtre d’opportunité pour mettre fin au conflit» à l’Est de l’Ukraine. Selon le politicien, terminer la guerre en quelques semaines n’est qu’une plaisanterie. Il ne manque plus que la volonté politique des autorités ukrainiennes. Toutes les autres conditions, fait-il comprendre, sont réunies depuis longtemps. Une question se pose quand même : a qui profite la situation actuelle? Si Serhiy Lyovochkin, s’exprimant dans une langue qu’il ne connaît pas, s’efforce tellement de promouvoir des accords Minsk II, pourtant désavantageux pour l’Ukraine, il n’est pas difficile de deviner qui devrait bénéficier de son agitation…
Les vrais buts et objectifs du Bloc de l’Opposition ressortent fort dans le fragment de texte où l’auteur parle du vote de la Chambre basse de l’Assemblée nationale, organisée par l’un des leaders du lobby pro-Kremlin, le député français Thierry Mariani. «La semaine dernière, un vote non-contraignant à l’Assemblée nationale sur la levée des sanctions contre la Russie a démontré la haute importance du moment présent dans la recherche de la paix (…). Le vote de la majorité des députés présents pour la levée des sanctions portera les amis de l’Ukraine à bientôt perdre patience. Pour obtenir la paix, nous avons besoin d’amis, mais aussi d’une grande volonté politique au sein de notre pays», menace Lyovochkin.
Donc, il est questions d’amis. Ceux qui ont appuyé la résolution de Mariani pour la levée des sanctions, ne sont pas les amis de l’Ukraine, mais exactement le contraire. Il s’agit de lobbyistes faisant le jeu du Kremlin ou d’élus qui mettent les valeurs matérielles bien au-dessus des valeurs morales et des normes du droit international.
Thierry Mariani et son équipe sont interdits d’entrée en Ukraine à cause du voyage scandaleux qu’ils ont effectué en Crimée l’été dernier. C’était Mariani qui, en contournant les sanctions, a fait venir le Président de Douma russe, Sergey Narychkine, à Paris et à Strasbourg, en se servant du Conseil de l’Europe. C’est lui, qui, selon nos informations, pense à emmener, encore une fois, des députés français en Crimée l’été prochain, en dépit de la position officielle de la France. Par ailleurs, c’était Thierry Mariani qui a été le témoin au mariage d’un autre ami du Parti des Régions et du Bloc de l’Opposition, Omar Harfouch, comme l’a écrit il y a deux ans la presse parisienne. Voici les amis du nouveau bloggeur Serhiy Lyovochkin, ceux qu’il invite à ne pas agacer, et dont les sentiments amicaux vis-à-vis de l’Ukraine laissent de gros doutes.
Parlons aussi de la paix qui, selon Serhiy Lyovochkin, ne tient qu’à la volonté politique de Kiev, qui «manque». Comme s’il n’y avait pas d’armes russes, ni d’agression russe, ni de mercenaires russes et ni d’intérêts de la Russie dans le Donbass. En plus de la promotion des Accords de Minsk II, qui ne prévoient formellement aucune responsabilité directe pour la Russie, Serhiy Liovotchkin agit à l’unisson avec la diplomatie de Moscou et ses auxiliaires à Paris. Exactement comme ces amis du Kremlin, il invite à faire la pression seulement sur l’Ukraine, en évitant la moindre critique contre Moscou.
Un comportement classique pour l’un des leaders du Bloc de l’Opposition. Il imite ainsi la technologie de lobbying de la Russie. Mais il y a en plus un détail important: Serhiy Lyovochkin est un député ukrainien et pas un des élus de parlement russe. Certes, tant que la guerre n’est pas en Ukraine appelée par son nom, mais simplement nommée comme une «opération anti-terrotiste», l’ennemi ne peut pas être défini comme tel. Et donc, ce n’est pas un crime que de pactiser avec lui. Au moins sur un plan purement juridique.
C’est qui intrigue cependant, c’est l’illustration que l’ancien chef de l’administration de Ianoukovitch a choisi pour accompagner son texte. C’est une carte de l’Ukraine. La Crimée est en brun, Donetsk et Lugansk sont en rouge, et on ne sait pour quelle raison Kharkiv est en bleu, tandis qu’Odessa, Nikolaev, Kherson, Dnipropetrovsk et Zaporijia sont en jaune. Le reste de l’Ukraine est en blanc, comme la neige, sans la nomination des centres régionaux. Qu’est-ce que cela peut signifier? Serhiy Lyovochin n’a pas donné d’explication à ce dessin. Se pourrait-il que cela montre les perspectives de nouvelles conquêtes ouvertes pour Moscou par les Accords de Minsk II, sans un retrait des armes lourdes et de troupes russe du Donbass?
Par Alla Lazareva
Source: Tyzhden.ua