Quelques médias bulgares rapportent que les producteurs de céréales de Bulgarie se préparent à des protestations contre les importations en provenance d’Ukraine. Selon eux, il n’existerait aucun contrôle phytosanitaire des céréales venant d’Ukraine. De plus elles seraient vendues à prix cassé.

 « Il y a un énorme problème en Bulgarie en ce moment et ce sont les importations de céréales ukrainiennes. La chute des prix due aux importations a déstabilise le marché « , explique Radostina Zhekova, présidente de l’Union des producteurs de céréales de Dobrudja, une région bulgare. Ils menacent de fermer la frontière avec la Roumanie par laquelle les céréales ukrainiennes arrivent en Bulgarie.

L’interview de Radostina Zhekova a été diffusée sur la chaîne de télévision nationale privée bulgare BTV. Puis la fausse information a été reprise par des médias qui diffusent régulièrement de la propagande anti-ukrainienne:  Second Front, Golos, Epicentre et d’autres.

Capture d’écran – Epicentr

Le reportage de la chaîne BTV a été diffusé le 16 juillet. Or cette information a été aussitôt démentie. Le ministre bulgare de l’agriculture Ivan Ivanov a déclaré que des inspections sur la qualité des céréales ukrainiennes étaient en cours et les résultats attendus le 25 juillet.

«Notre travail consiste à nous assurer que tout ce qui est fourni est sans danger pour les consommateurs. L’Union européenne fait tout son possible pour acheminer la quantité disponible de céréales d’Ukraine», a expliqué Ivan Ivanov.

Le ministre Ivan Ivanov a également déclaré qu’au 14 juillet, seules 6 000 tonnes de blé et 1 300 tonnes d’orge étaient arrivées en Bulgarie en provenance d’Ukraine. C’est une quantité qui ne peut pas déséquilibrer de manière significative le marché bulgare. Selon les experts, la nouvelle récolte de blé de la Bulgarie pourrait représenter entre 5,9 et 6,2 millions de tonnes.

Capture d’écran – Offnews.bg

Le ministre de l’agriculture a également souligné que les céréales importées sont soumises à des contrôles de qualité stricts : « Si nous trouvons des quantités qui ne répondent pas aux normes de consommation en Bulgarie, ou si la présence de certaines substances est détectée, les céréales seront détruites car elles ne peuvent pas circuler en Bulgarie. Je vous le garantis ».

La qualité des céréales ukrainiennes est contrôlée non seulement en Bulgarie mais également en Ukraine conformément aux normes de l’UE.

L’Ukraine n’est pas membre de l’UE, mais le pays bénéficie d’un accord d’association avec l’Union européenne depuis huit ans. Le volet économique de l’accord prévoit une ouverture du marché européen à l’Ukraine une harmonisation des législations, des normes et y compris dans le domaine de la réglementation relative aux produits agricoles.

Photo: consilium.europa.eu

Un an après l’entrée en vigueur de l’accord, en novembre 2018, le Conseil européen a examiné la mise en œuvre de l’accord UE-Ukraine et a noté que l’Ukraine a « fait des progrès sur les questions sanitaires et phytosanitaires, le droit des sociétés, les marchés publics et la protection de l’environnement« .

Capture d’écran: ec.europa.eu

Lors de la conférence internationale « Grain d’Ukraine 2021 »  Vladyslava Magaletska, chef du Service ukrainien pour la sécurité alimentaire et la protection des consommateurs, a déclaré que l’agence qu’elle dirige fait tout pour que les agriculteurs du pays puissent exporter des produits en toute sécurité : « Depuis le début de cette année (2021 – ndlr), 16 millions de tonnes de céréales et d’oléagineux accompagnés de certificats phytosanitaires, entièrement numérisés, ont été transportés avec l’aide du Service national pour la sécurité alimentaire et la protection des consommateurs. Cela rend impossible la falsification de ces documents », a déclaré Vladyslava Magaletska.

Capture d’écran: agravery.com

Ses propos sont confirmés par des experts internationaux. Comme l’indique la publication « Approfondissement des relations entre l’UE et l’Ukraine » publiée fin 2021, « l’utilisation des contingents tarifaires de l’UE sur les produits agricoles s’est étendu car les producteurs ukrainiens ont progressivement surmonté les problèmes de sécurité alimentaire et la faible demande pour leurs produits« .

Capture d’écran – 3dcftas.eu

Au début de l’année, le site spécialisé Agravery.com a indiqué que l’UE avait autorisé la livraison de 77 800 tonnes de blé ukrainien pour le mois de février dans le cadre du régime des contingents tarifaires d’importation (TRQ). Si la Fédération de Russie n’avait pas envahi l’Ukraine, 852 500 tonnes supplémentaires de blé ukrainien auraient pu être livrées à l’UE dans le cadre du contingent en franchise de droits d’un million de tonnes d’ici à la fin de 2022.

Après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine,les règles ont été assouplies: un décret du Cabinet des ministres de l’Ukraine du 1er avril 2022 a été adopté pour simplifier la mise en œuvre des mesures et procédures phytosanitaires.

En avril la Commission européenne a proposé une suspension pour un an des droits d’importation sur toutes les exportations ukrainiennes vers l’UE. Il s’agit d’un geste de soutien sans précédent pour un pays en guerre. Mais comme l’a fait remarquer Olha Shevchenko, chef adjoint du Service d’État pour la sécurité alimentaire et la protection des consommateurs, dans une interview accordée à AgroPolit.com, « l’abolition des droits de douane européens n’annule pas les exigences de sécurité et de qualité pour l’agro-industrie ukrainienne. Les conditions d’accès au marché européen doivent être remplies conformément à la législation européenne« .

Dans le cadre de l’accord Ukraine-UE les postes d’inspection frontaliers étaient censés fonctionner en Ukraine vers le milieu de l’été afin de contrôler la qualité des produits. Mais en mai, les députés ont adopté une loi prolongeant le délai pour leur mise en place. Les postes d’inspection frontaliers contrôleront la sécurité alimentaire sur la base des normes de l’UE. Ils veilleront également à ce que les produits soient conformes aux mesures sanitaires et phytosanitaires.

La personnalité de Radostina Rzekova, présidente de l’Union des producteurs de céréales de Dobrudzha, est particulièrement intéressante. Sur son profil Facebook, elle s’affiche en photo sur la Place Rouge, à Moscou.  C’est la photo qu’elle a utilisée avant les élections législatives de l’année dernière. Lors de ces élections de novembre dernier Mme Zhekova était troisième sur la liste du  Parti socialiste bulgare de la ville de Dobrich, mais n’a pas été élue.

Photo: Facebook

Radostina Zhekova est très active surFacebook. Ses nombreux messages sont consacrés à ses préoccupations concernant l’importation de produits ukrainiens en Bulgarie. Sa thèse principale est la suivante : « Nos enfants mangeront ce qui vient d’Ukraine sans que ces produits aient été contrôlés ».

Pour rappel, le Premier ministre bulgare Kirill Petkov s’est rendu à Kyiv en avril. Dans sa déclaration aux médias M. Petkov a indiqué qu’il avait convenu avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky de faire de Varna un hub et un centre logistique pour le blé ukrainien. Trois mois plus tard, le nouveau directeur du port Ivaylo Gavrailov a déclaré que le port de Varna n’avait pas la capacité de recevoir des céréales ukrainiennes. Aujourd’hui, les produits agricoles ukrainiens sont principalement exportés via la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie.