Les médias russes ont répandu de fausses informations sur une campagne militaire que l’Ukraine envisagerait de lancer sur le territoire de la Russie, avec l’aide d’armements qu’elle aurait déjà demandé aux pays occidentaux. En guise de source, les propagandistes glissent un article du Wall Street Journal qui “confirmerait la volonté des autorités ukrainiennes d’attaquer le territoire russe en 2023”. Cette information ne correspond pas à la réalité: la propagande du Kremlin a volontairement déformé le contenu de l’article dans le but de discréditer l’Ukraine aux yeux de ses partenaires occidentaux.

Dans l’article du Wall Street Journal, il n’y a aucune allusion à un plan ukrainien “d’attaque” du territoire de la Russie en 2023 “avec l’aide d’armes occidentales”. Les auteurs de la publication analysent la liste des armes que l’Ukraine demande aux États-Unis. L’attaque du territoire de la Russie n’est pas davantage mentionnée dans le document du commandant en chef de l’armée ukrainienne, le général Valery Zaloujny et du lieutenant-général Mikhail Zabrodsky, membre du Parlement ukrainien, publié en commun sur le site Ukrinform et intitulé “Perspectives pour assurer la campagne militaire 2023: le point de vue ukrainien”, qui proposent de définir la péninsule de Crimée temporairement occupée et illégalement annexée à la Russie en 2014, comme “centre de gravité de la Fédération de Russie dans cette guerre”.

Capture d’écran – readovka.news

L’article du Wall Street Journal intitulé “Ukraine Signals Major Weapons Request for Long-Term Offensive Against Russia” (“L’Ukraine fait connaître sa demande d’armes lourdes pour une offensive à long terme contre la Russie”) décrit un document que l’Ukraine a envoyé aux États-Unis et dont les journalistes américains ont eu connaissance. Il s’agit de la liste des armes nécessaires pour poursuivre l’offensive des forces armées ukrainiennes en 2023. Cetta liste inclut 29 types de systèmes d’armes et de munitions, dont le système de missile opérationnel-tactique ATACMS, des tanks, des drones, des systèmes d’artillerie, des missiles anti-navire Harpoon, ainsi que 2 000 missiles pour le système de lance-roquettes d’artillerie Himars.

Les auteurs de l’article attirent également l’attention sur le fait que la Maison Blanche a reçu cette demande après que la partie ukrainienne a informé les États-Unis des succès des forces armées ukrainiennes en direction de Kharkiv. La liste des armes elle-même, toutjours selon les auteurs, s’inscrit dans le concept général de soutien à la campagne militaire pour la libération de l’Ukraine, précédemment publié par le général Valery Zaloujny et le lieutenant-général Mikhail Zabrodsky, et dans lequel ils assurent que la contre-offensive ukrainienne peut constituer un tournant si l’Ukraine reçoit des systèmes de lance-roquettes multiples (MLRS) à longue portée, en particulier les ATACMS. Mais la publication du Wall Street Journal n’évoque aucune intention de l’Ukraine de “progresser” en 2023 sur le territoire de la Russie “avec l’aide des armes occidentales”.

Le document des militaires ukrainiens ne mentionne pas non plus d’attaque sur le territoire de la Russie et attirent l’attention des lecteurs sur les efforts fructueux des forces armées ukrainiennes pour transférer physiquement les combats sur le territoire provisoirement occupé de la République Autonome de Crimée. Ils sont enclins à croire que c’est le contrôle du territoire de la péninsule qui est le « centre de gravité » des forces russes dans cette guerre. En cas de succès de l’opération militaire visant à en reprendre le contrôle, la Russie perdra la base de sa flotte de la mer Noire, son réseau d’aérodromes, et subira des dommages importants en ressources matérielles, en main-d’œuvre et en équipement. L’armée ukrainienne estime qu’elle peut être en mesure de lancer une telle opération, ou série d’opérations, en 2023, à condition qu’elle reçoive les armes nécessaires.

Considérant que le contrôle de la Crimée constitue un centre de gravité, il est logique de supposer pour 2023 la planification d’une opération ou d’une série d’opérations visant à s’emparer de la péninsule. Une telle planification demande avant tout la mise à disposition d’équipements nécessaires pour les troupes. Et il ne pourra pas s’agir des unités et des formations militaires des forces armées ukrainiennes qui opèrent déjà sur un front de 2500 km de Kherson à Kovel”, explique le document.

Ils ne parlent donc pas de plans d’invasion du territoire de la Russie, mais de la libération de la péninsule de Crimée, annexée par la Fédération de Russie depuis février-mars 2014. Au départ, la Russie niait la présence de soldats russes lors de l’annexion, puis quelques jours plus tard, le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine avait fini par l’admettre. L’occupation provisoire de la Crimée, comme le pseudo-référendum sur son “rattachement” à la Russie, ne sont reconnus ni par l’Ukraine, ni par la majorité des Etats, ni par l’Assemblée générale de l’ONU, ni par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ni par l’OSCE. Selon la loi ukrainienne “sur la garantie des droits et libertés des citoyens et du régime juridique dans le territoire ukrainien temporairement occupé”, le territoire de la péninsule de Crimée est considéré comme un territoire provisoirement occupé suite à l’invasion russe.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé plus d’une fois que l’Ukraine avait l’intention de récupérer tous ses territoires, y compris la péninsule de Crimée. “Mon signal aux habitants de Crimée est le suivant: nous savons qu’ils sont des nôtres, et c’est affreusement tragique qu’ils vivent depuis plus de huit ans sous occupation. Nous reviendrons. Je ne sais pas quand exactement. Mais nous avons des plans et nous reviendrons parce que c’est notre terre et nos habitants”, a-t-il déclaré le 14 septembre 2022 lors de sa visite dans la région de Kharkiv libérée.