Par: Lukáš Hendrych | EURACTIV.cz | translated by Marion Candau

Pavel Svoboda [© European Union 2018 – Source: EP]
Le cadre européen actuel sur le droit d’auteur est restée coincé dans les années 2000. Son adaptation à l’ère d’Internet est urgente, estime Pavel Svoboda.

Pavel Svoboda est un eurodéputé tchèque affilié au Parti populaire européen (PPE). En 2017 il a été réélu président de la commission affaires juridiques (JURI) au Parlement européen.  

Le Parlement européen a rejeté la proposition de texte sur la directive sur le droit d’auteur qui a été voté par la commission JURI. Qu’est-ce que cela signifie pour la proposition législative et que pensez-vous de la position de Parlement européen ?

La session plénière a appliqué le mécanisme prévu dans l’article 69c du Règlement intérieur du Parlement européen. Selon cette disposition, un dixième des députés peut demander à la plénière une confirmation du mandat de négociation précédemment donné par la commission affaires juridiques. Dans ce cas, le mandat n’a pas été confirmé et le texte approuvé en commission sera discuté à nouveau en septembre.

Toutefois, cela ne signifie pas du tout la fin de la réforme. Un mandat parlementaire définitif pour les négociations en trilogue sera connu en septembre. En raison de la controverse et du vote plutôt serré de la proposition en commission, je suppose que le Parlement a pris la bonne décision en permettant à tous les députés d’exprimer leur point de vue après les vacances d’été.

Comme vous l’avez dit, la commission des affaires juridiques (JURI) a approuvé l’ancienne version de la proposition. Pourtant le Parlement a voté contre. Pourquoi une telle contradiction ?

Cela pourrait être lié au fait que la commission JURI est l’une des plus petites du Parlement, donc ce n’est pas proportionnel au Parlement européen et à ses 751 eurodéputés. Par exemple l’article 11 de la directive a été approuvé à la commission JURI grâce à un seul vote. Dans de tels cas, il est très facile que la plénière s’y oppose.

Mais les divergences se trouvent aussi au sein des groupes politiques. Le vote a montré que les eurodéputés qui ont constitué la majorité à la commission JURI, n’ont pas gagné assez de soutien de leurs collègues. Je parle surtout du groupe des libéraux. La plupart des eurodéputés de l’ALDE ont voté contre en plénière, pourtant les deux eurodéputés du groupe ont voté en faveur dans la commission. Pour ce qui est du groupe S&D, les eurodéputés étaient divisés à la fois dans la commission et en plénière.

Pensez-vous que l’UE a besoin d’une réforme du droit d’auteur ?

Bien sûr, il n’y a aucun doute là-dessus. La directive européenne sur le droit d’auteur est restée coincée dans les années 2000, à l’ère de la diffusion par câble et par satellite, mais pas à l’ère d’Internet. La question est de savoir à quoi devrait ressembler le nouveau cadre légal.

Deux articles de la directive sont très controversés, dont l’article 11, qui devrait considérablement renforcer le statut des éditeurs. Ses détracteurs estiment qu’il limite la liberté de circulation des informations, car les plateformes telles que Google devront rémunérer les éditeurs pour afficher leur contenu ou partager un lien vers leur contenu, pour que les articles de presse soient aussi protégés par le droit d’auteur. Est-ce une bonne chose ?

Tout d’abord, les articles de presse sont déjà protégés par le droit d’auteur, donc si vous voulez les partager ou les compiler, vous avez besoin du consentement préalable d’une personne habilitée. Les articles peuvent alors bénéficier de la « licence de droit des actualités ». Cela signifie que certaines parties d’un article peuvent être utilisées à des fins d’informations dans une mesure raisonnable, mais seulement si vous mentionnez l’auteur et la source.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE, il est déjà légal de partager un lien vers un article sur Internet sans le consentement du titulaire du droit sans afficher aucune partie du texte.

Les éditeurs ont-ils vraiment besoin d’une meilleure protection ?

Je préfère protéger les éditeurs avec une « présomption de représentation des auteurs ». C’est une solution proposée par l’ancienne rapporteure Therese Comodini Cachia. Ça peut aider les éditeurs à revendiquer les droits d’auteur des articles. Je crois que nous ne pouvons pas avoir la qualité et la pluralité de la presse en adoptant l’article 11 tel qu’il est proposé.

J’ai discuté avec des éditeurs et ils m’ont dit que la seule chose dont ils avaient besoin était d’une meilleure protection contre l’abus de Google de sa position presque de monopole en matière de droit de la concurrence.

Donc vous n’êtes pas d’accord avec la disposition approuvée par la commission JURI.

Je ne vois pas quelle conséquence positive cette version de l’article pourrait avoir. Comme je l’ai dit, je préférerais renforcer le statut des éditeurs par présomption de représentation des auteurs.

Qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

La présomption permet aux éditeurs de simplifier l’octroi de licences et l’application du droit d’auteur. Sur la base de cette hypothèse, les éditeurs seront légalement autorisés à concéder des licences sur leur contenu ou à faire respecter le droit d’auteur auprès de tiers, sans avoir à prouver qu’ils ont obtenu un droit d’auteur sur le contenu par le biais d’une licence ou d’un contrat de travail des auteurs – journalistes ou photographes. Cependant, le droit des auteurs et des photographes ne souffrira pas, tout le processus sera simplement simplifié.

Un autre article controversé est l’article 13, qui cible les plateformes en ligne comme YouTube en leur demandant de passer en revue le contenu que les utilisateurs publient sur la plateforme. Leur devoir sera d’identifier les contenus illégaux et les empêcher d’être mis en ligne. Que pensez-vous de cela ?

Dans ce cas, il y a bien un intérêt public. Les plateformes en ligne doivent participer activement à la protection du droit d’auteur.

D’un autre côté, s’il y a des doutes sur la formulation actuelle de l’article, s’il s’agit d’un bon compromis entre la protection du droit d’auteur et les droits fondamentaux, il est certainement légitime de poursuivre la discussion sur la formulation exacte de la disposition.

Est-il même possible de parvenir à un tel compromis ?

Nous devrions réfléchir à la responsabilité des plateformes en ligne. Mais nous devons d’abord savoir quels sont les devoirs des plateformes et quelles en seront les conséquences pour les utilisateurs, les PME, etc. Malheureusement, nous ne sommes pas au clair à ce sujet.

Est-il possible de terminer l’ensemble du processus législatif au cours de cette législature ?

Nous espérons parvenir à un accord le plus rapidement possible. Le ministre autrichien de la Justice Josef Moser a déclaré à la commission JURI qu’un accord pouvait être conclu dès le mois de décembre.

Par: Lukáš Hendrych

Source: EURACTIV.cz | translated by Marion Candau