Par: Alexandra Brzozowski | EURACTIV.com | translated by Yasmine Alfihri

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Un climat d’impunité se fait ressentir dans de nombreux pays d’Europe où la liberté de la presse est toujours plus menacée, selon l’étude annuelle de la plateforme du Conseil de l’Europe pour la sécurité des journalistes.

Publié le 12 février, le rapport «Démocratie en danger : menaces et attaques à l’encontre de la liberté de la presse en Europe», évalue la liberté de la presse en Europe en se basant sur 140 cas de graves violations des droits de la presse rapportées à la plateforme en 2018. La pire année pour la liberté de la presse depuis la guerre froide.

Les statistiques indiquent que sur les 140 alertes, 56 (40 %) correspondent au niveau 1, qui englobe les violations les plus graves telles que les attaques à l’intégrité physique des journalistes. L’État a été identifié comme source de la menace pour 80 cas alors que 29 et 31 cas de menaces émanaient respectivement d’acteurs non étatiques ou de sources inconnues.

Pire année depuis la guerre froide

Outre les menaces à l’intégrité physique, le rapport indique que « l’année 2018 a connu une hausse des agressions verbales et de la stigmatisation publique des médias et des journalistes dans de nombreux États membres ». Alors que le nombre de menaces de tout type avait doublé l’année dernière, de nombreuses poursuites judiciaires pour meurtre de journalistes sont restées sans suite. Toujours l’année dernière, 17 cas de meurtre de journalistes demeurent impunis.

« Les meurtres de Daphne Caruana Galizia à Malte en 2017 et de Ján Kuciak et sa fiancée en Slovaquie en 2018 ont considérablement fait prendre conscience au grand public et aux dirigeants européens de l’ampleur de la crise de la sécurité des journalistes et de l’impunité qui s’est enracinée dans de nombreux pays de l’Union et du Conseil de l’Europe », explique le rapport.

Le meurtre de Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul fait toujours l’objet d’une enquête. Des journalistes font toujours l’objet de détentions arbitraires et de nombreux projets de loi ont restreint la liberté de la presse. La plateforme a enregistré 130 cas de détentions de journalistes à la fin de l’année 2018, dont 110 en Turquie, 11 en Azerbaïdjan, cinq en Russie et quatre en Ukraine.

L’Italie, championne des infractions contre les médias

Toujours selon la plateforme, le nombre de violations enregistré pour l’Italie a plus que triplé par rapport à l’année 2017, faisant du pays le champion des infractions contre les médias au sein de l’UE. Si la mafia et le crime organisé restent la plus grande menace pour les journalistes italiens, la plupart des alertes enregistrées en 2018 ont été soumises après les élections du nouveau gouvernement de coalition de la Lega d’extrême droite et du Mouvement 5 étoiles antisystème.

« Les deux vice-présidents du Conseil des ministres, Luigi di Maio et Matteo Salvini, tiennent souvent un discours hostile envers les journalistes sur les réseaux sociaux », explique le rapport, citant l’exemple de la volonté de Matteo Salvini de supprimer la protection policière du journaliste d’investigation Roberto Saviano qui fait l’objet de nombreuses menaces de la part d’organisations criminelles.

La Hongrie, un autre État membre critiqué dans le rapport, a été citée pour sa «très haute concentration de médias aux mains d’oligarques» et pour le rôle du gouvernement qui «contrôle presque tous les médias du pays».  Le rapport a également souligné le déclin de la liberté d’expression en Turquie, où sous l’état d’urgence imposé après la tentative de coup d’État de juillet 2016, plus de 200 journalistes avaient été arrêtés ou détenus pour leurs publications.

En Russie, des journalistes indépendants et des blogueurs subissent des pressions physiques, juridiques et financières après qu’une loi passée en 2018 dote les autorités russes d’outils supplémentaires pour restreindre l’accès à l’information, surveiller les journalistes et faciliter la censure (l’État avait notamment tenté de bloquer l’application de messagerie cryptée Telegram).

Lors d’une réunion à Strasbourg, 12 organisations partenaires (incluant la Fédération européenne des journalistes et l’ONG Reporter sans frontières) ont présenté le rapport au secrétaire général du Conseil de l’Europe,Thorbjørn Jagland, à qui ils ont adressé le même message : il faut «agir avec urgence» pour «améliorer les conditions catastrophiques de la liberté des médias et assurer une véritable protection aux journalistes».

Par: Alexandra Brzozowski translated by Yasmine Alfihri

Source: EURACTIV.com