Par Alla Lazareva

Emmanuel Macron a porté plainte contre X suite aux accusations de Marine Le Pen, nourries par le piratage des ordinateurs d’En Marche.

Illustration: Tyzhden.ua

Bien qu’Emmanuel Macron ait fait tout son possible pour éviter le sujet russe durant sa campagne présidentielle, ce dossier l’a rattrapé. «J’espère que l’on n’apprendra pas que vous avez un compte offshore aux Bahamas…» a-t-il entendu de la part de Marine Le Pen, pendant le débat télévisé de l’entre-deux-tours.

La nuit même du débat, des internautes ont découvert les racines russes de cette manipulation. Pour la première fois, l’information est apparue deux heures avant sur le forum anglophone anonyme 4chan (sur ce forum, tous les internautes sont anonymes par défaut). La publication, donc anonyme, affirmait l’existence de comptes offshores au nom d’Emmanuel Macron.

Quelques minutes après, l’information a commencé à circuler sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, relayée par des soutiens de Donald Trump appartenant à l’extreme-droite américaine. Puis, ce sont des comptes associés, en France, à  Russia Today et chez Sputnik qui ont pris le relais. Nicolas Vanderbiest, analyste du fonctionnement des réseaux sociaux, a réagi rapidement: «Cette fake news sur le compte de Macron au Bahamas, on peut dire sans trop de risque de se tromper que cela vient des russes».

Deux heures seulement. C’était suffisant pour qu’un fake en provenance d’une publication anonyme devienne un sujet de discussion lors d’un débat présidentiel. Emmanuel Macron a été souvent critiqué pour sa bienveillance excessive et son manque de fermeté, mais cette fois-ci, il a réagi rapidement. Le lendemain, il a porté plainte. Les médias français ont largement couvert l’événement. «On voit que les éléments qui avaient été photoshoppés sur les premiers documents (comme le nom et contact du banquier Brian Hydes — à ce jour toujours injoignable) sont incorporés au document en effaçant les traces apparente de photomontage», a écrit Marie Turcan de Business Insider. «Les différentes polices, tailles et épaisseurs d’écriture que l’on trouvait dans le premier document ont été lissées, ainsi que les différences de clarté du premier document, qui pointaient vers un montage», a-t-elle ajouté.

Une réaction immédiate au niveau juridique de la part de Macron est une bonne nouvelle. Elle prouve que les Français ont commencé à réaliser l’ampleur des manipulations du Kremlin. Il s’avère que le scandale de la correspondance piratée de Hillary Clinton a servi de leçon. Il y a un an encore, plusieurs politiques et chercheurs préféraient ne pas admettre  l’influence du lobby pro-Kremlin. A présent, la réaction des médias français démontre que l’opinion publique a appris à regarder la vérité en face. Les électeurs commencent à comprendre que la Russie, dont Marine Le Pen, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon font l’éloge, mène en fait des activités hostiles vis-à-vis de la France, fabrique des fakes et compromet les hommes politiques qui font obstacle à la promotion des intérêts russes.

Emmanuel Macron, si poli, si politiquement correct, n’a pas le choix. Son équipe est mise devant une nécessité et se retrouve bien obligée d’étudier les réseaux de propagande pro-Kremlin et son impact sur la campagne présidentielle en France. Le débat télévisé, vu par des millions de personnes, a mis en évidence le lien direct entre les propos de Marine Le Pen et ces réseaux.

Les sociologues constatent que le débat télévisé d’entre-deux-tours a renforcé la victoire d’Emmanuel Macron. Son élégance, son calme et l’ironie piquante à laquelle Le Pen a du faire face lui ont fait gagner des sympathisants supplémentaires. Dans la guerre d’information que le Kremlin mène contre l’Ukraine et l’UE, ce genre d’action trouve de plus en plus souvent une réaction. Des informaticiens découvrent des faux comptes de propagandistes sur les réseaux sociaux. Selon les données du site reputatiolab, 90 % des comptes propagandistes pro-Moscou sont anonymes. Certains d’entre eux diffusent presque 180 000 messages par semaine. En grande partie, ces pages partagent les publications de RussiaToday, Sputnik et Marine Le Pen. Le chef du site reputatiolab, Nicolas Vanderviest, conclut que le sujet principal de ces publications est Macron. Les articles le plus partagés, selon lui, contiennent des stratégies d’influence russes.

Jusqu’à récemment, Moscou agissait en toute impunité. Petit à petit, la résistance civile, scientifique et juridique à la désinformation russe se forme. La semaine passé, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire à la demande d’Emmanuel Macron contre X pour «faux, usage de faux et propagation de fausse nouvelle destinée à influencer le scrutin».

Les Français, les Belges et les Allemands ont eu la possibilité de se persuader que la fabrique de trolls russes diffuse le plus souvent des fausses nouvelles et des mensonges (le Kremlin a inventé «cette usine à trolls» où elle emploie des centaines de blogers, hébergés dans un immeuble de Saint-Pétersbourg). L’électeur français apprend, par exemple, que l’idée de Frexit est avancée non pas uniquement par Marine Le Pen, mais aussi par des trolls du Kremlin. De plus en plus souvent, les médias constatent l’intervention russe dans le processus électoral. La guerre hybride monte d’un cran. La résistance a cette activité se renforce aussi. Y compris au plus haut niveau.

Par Alla Lazareva

Source: Tyzhden.ua