Par: Claire Guyot | EURACTIV.fr

Plusieurs députés ont exprimé des craintes pour la liberté d’expression et de la presse lors de l’audition de la ministre de la Culture à propos d’une loi en préparation sur les fausses informations.

Les initiatives se multiplient pour lutter contre les fake news. Après des propositions formulées par la Commission européenne fin avril, c’est au tour des députés français de se pencher sur le sujet, avec une proposition de loi présentée fin mars par les députés La République en marche. Elle vise à limiter leur propagation, en particulier en période électorale. Un texte sur lequel plusieurs députés ont exprimé leurs craintes hier, à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale de la ministre de la Culture Françoise Nyssen préliminaire aux discussions en commissions.

«Sommes-nous absolument certains que les bienfaits de la loi sont de très loin supérieurs aux dérives qu’elle est susceptible d’engendrer sur la liberté d’expression, de commercer ou d’entreprendre ? (…) Sur quelles bases juridiques se fondent les nouvelles obligations imposées aux plateformes, des obligations qui vont jusqu’à constituer des restrictions à la libre expression des services de la société de l’’information ? s’est interrogée la députée Les Républicains Brigitte Kuster.

Le texte soutenu par le groupe majoritaire prévoit la création d’une nouvelle procédure en référé, qui permettrait au juge de prendre sous 48 heures des mesures pour endiguer la propagation de fake news. Des pouvoirs renforcés seraient aussi attribués au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Lequel pourrait entre autres refuser de conclure des conventions avec une personne morale « contrôlée par un État étranger » ou sous l’influence de ce dernier, si cela est susceptible de « porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de participer à une entreprise de déstabilisation des institutions ». Un dispositif clairement destiné à lutter contre l’influence russe, qui vient de lancer sa chaîne RT en français, avec l’aval du CSA.

«Comment un juge en 48 heures peut-il qualifier une information ? (…) Va-t-on remettre en cause le secret des sources ?» s’est demandé le député Nouvelle Gauche Hervé Saulignac. «Il est important que nous déterminions qui est visé dans cette proposition de loi» a pointé la députée communiste Elsa Faucillon, rappelant que l’expression de « service de communication au public en ligne» employée dans le texte, «peut intégrer les éditeurs de presse en ligne, ce qui veut dire que nous remettons en cause l’article 1 de la loi de 1881, texte juridique fondateur de la liberté de la presse.»

Face à ces critiques, la ministre de la Culture a défendu un « texte équilibré » avec « les garde-fous nécessaires à la protection de la liberté d’expression ». Elle a rappelé les précisions contenues dans la proposition de loi venant selon elle encadrer les nouvelles compétences confiées au juge et au CSA. «La nouvelle procédure [en référé] fournit un mode d’emploi au juge en définissant précisément les critères. (…) Les conditions d’appréciation du juge sont ainsi mieux encadrées (…) ce qui protège contre toute atteinte à la liberté d’expression», a souligné la ministre.

La rapporteure pour la commission des lois Naïma Moutchou a par ailleurs annoncé que des précisions seraient encore apportées au texte au travers d’amendements notamment pour définir clairement le terme de «fausse information».

Éducation aux médias

La ministre a par ailleurs insisté sur l’éducation aux médias et à l’information, annonçant de nouvelles mesures en ce sens. Ainsi, le budget consacré à l’éducation et la formation aux médias devrait être doublé cette année pour passer de trois à six millions d’euros. La ministre compte l’année prochaine « lancer un vaste programme de services civiques pour que des jeunes forment le grand public aux fausses informations en intervenant dans les bibliothèques et les lieux d’éducation populaire ». Enfin, les six sociétés de l’audiovisuel public (Arte, France télévision, France média monde, TV5 Monde, Radio France et l’INA) devraient présenter la semaine prochaine à la ministre un projet de plateforme commune de décryptage des fausses informations.

Par : Claire Guyot | EURACTIV.fr