epa0644040327 La commissaire européenne chargée de l’économie et de la société numérique, Mariya Gabriel, lors d’un point de presse en marge de la première réunion du groupe à Bruxelles, Belgique, le 15 janvier 2018. Le groupe de haut niveau conseillera la Commission sur le recensement du phénomène des infox, la définition des rôles et responsabilités des parties prenantes concernées, l’appréhension de la dimension internationale, le bilan des positions et la formulation de recommandations. EPA-EFE/OLIVIER HOSLET [EPA-EFE/OLIVIER HOSLET]
Facebook, Google ou Twitter vont mettre en œuvre le code de pratique contre la désinformation élaboré par Bruxelles. Mais son efficacité est déjà questionnée.

La commissaire au numérique, Mariya Gabriel, a annoncé que les grandes entreprises du secteur avaient accepté de se conformer à un code de pratique contre la désinformation sur leurs plateformes. Elles publieront également une feuille de route indiquant clairement comment ils mettront ce code en application.

À l’approche des élections européennes, la Commission européenne encourage les géants du net, comme Google, Facebook, Twitter ou Mozilla, à éradiquer les «fakes news», ou infox, de leurs plateformes.

«C’est la première fois que l’industrie accepte, à titre volontaire, d’appliquer un ensemble de mesures d’autoréglementation », a souligné Mariya Gabriel, le 16 octobre. «Les signataires ont aussi défini des actions spécifiques pour les élections européennes à venir. Nous sommes là pour contrôler de très près l’efficacité de ce code, et nous ferons une première évaluation à la fin de l’année.»

Le plan de la Commission, qui a été annoncé en avril, couvre cinq éléments de gestion de la désinformation en ligne. La limitation des revenus publicitaires des entreprises qui diffusent de la désinformation, les faux comptes et aux bots virtuels, la  transparence de la publicité politique, la dénonciation des infox de la part des utilisateurs et de meilleurs cadres de surveillance de la diffusion de désinformation.

Le projet a cependant été critiqué par certains acteurs du secteur, qui estiment qu’il ne permettra pas de contrer réellement le danger que représentent les fausses informations.

Le groupe de réflexion sur la désinformation, composé de représentants de la presse, de la société civile et du monde académique, ainsi que des vérificateurs de données, n’est cependant pas satisfait du résultat.

«Il n’y a pas d’approche commune, pas d’engagements clairs et significatifs, et les objectifs ne sont pas mesurables», regrette un porte-parole du groupe de réflexion.

Ses membres soulignent qu’ils reconnaissant le danger que représente la désinformation et attendent la première évaluation de l’efficacité du code, qui devrait être réalisée en décembre. Ils espèrent pouvoir apporter des «critiques constructives».

Noel Curran, directeur de l’Union européenne de radiotélévision, a pour sa part estimé que «les plateformes et réseaux sociaux ont un certaines responsabilité vis-à-vis des contenus qu’ils accueillent et doivent prendre des mesures contre tous les types de désinformation et d’infox».

«Nous appelons la Commission à prendre cette question au sérieux et à intégrer l’ampleur de la menace», a-t-il ajouté.

Le directeur a également souligné la manière ambiguë dont «les algorithmes contrôlent actuellement les contenus qui sont montrés aux utilisateurs» et souhaité plus de transparence sur cette question.

Face aux inquiétudes des acteurs du secteur, la Commission envisagerait-elle de renforcer le code en le transformant en règlement si les résultats de l’évaluation de décembre n’étaient pas satisfaisants?

«Toute proposition législative [future] sera présentée sur la base des faits, donc nous avons besoin de cette évaluation initiale», répond Mariya Gabriel. «Et si nous faisons une proposition législative, nous le ferons au niveau européen. Mais nous ne voulons pas aller trop vite.»

Outre les révélations très médiatisées de l’ingérence russe lors de l’élection présidentielle américaine de 2016 et du référendum du Brexit, des initiatives de désinformation ont également été lancées lors d’événements politiques mondiaux plus spécialisés, tels que le récent référendum sur le changement de nom en Macédoine et même lors du vote récent du Parlement européen sur la directive sur le droit d’auteur.

L’annonce du 16 octobre intervient au début d’une semaine où l’intégrité électorale est une priorité de la Commission européenne, avec une conférence de haut niveau sur la lutte contre l’ingérence avant les Européennes de 2019. La veille de cette nouvelle, le commissaire à la sécurité, Julian King, avait déjà fait référence au code de conduite, reconnaissant que c’était un «bon début», mais qu’il «faudrait aller beaucoup plus vite et plus loin» pour contrer la menace.

L’attitude plus proactive de Julian King est aussi reflétée dans les propos d’autres intervenants de terrain. Ainsi, Ricken Patel, président fondateur d’Avaaz, le plus grand réseau militant du monde, condamne les répercussions graves de la désinformation sur la société.

«La désinformation cible le système immunitaire de la démocratie », insiste-t-il. « Les médias sociaux ont été militarisés et utilisés par toute une série d’acteurs de la société. Les infox menacent aujourd’hui les fondements de notre civilisation.»

Euractiv s’est entretenu à ce sujet avec une journaliste d’investigation russe, Lyudmila Savchuk, qui s’était infiltrée à l’«Agence de recherche Internet» de Saint-Pétersbourg en 2015, plus communément appelée l’«usine à troll».

«Je n’ai aucun doute qu’il y aura des menaces pour les élections européennes de l’année prochaine», a-t-elle assuré, soulignant l’intérêt de la Russie à développer une campagne de désinformation visant l’UE.

Par: Samuel Stolton

Source: EURACTIV.com translated by Manon Flausch