roman

Je suis frappé de consternation par l’arrestation à Moscou de Roman Sushchenko, le correspondant de l’agence de presse ukrainienne Ukrinform à Paris. Il est accusé d’espionnage et actuellement détenu dans la prison Lefortovo, lieu de sinistre mémoire qui nous renvoie aux pires crimes du communisme, restés jusqu’ici sans aucun jugement de l’histoire.

Je connais personnellement Roman, avec qui nous avons réalisé plusieurs entretiens sur les problématiques géopolitiques concernant les relations Ukraine – Russie. C’est un excellent journaliste qui aime son métier, en accordant un soin particulier à la vérification des faits et à la rédaction stylistique de ses textes. C’est aussi une personnalité attachante, d’une gentillesse exemplaire, qui peut même paraître un peu désuète, en notre époque de l’instantanéité des relations humaines, remarquable de son ouverture d’esprit et sa réelle curiosité, empathie pour les autres.

Quand j’imagine Roman détenu, aujourd’hui, pendant son séjour privé à Moscou, au fond d’une cellule de prison politique, sans aucune autre explication que l’hallucinante accusation d’ « espionnage », privé de possibilité de contacter ses proches et son ambassade et subi à des pressions psychologiques, je ne peux m’empêcher de penser aux procès de Moscou, orchestrés par Staline en 1936 – 1938, où un tyran sanguinaire et paranoïaque éliminait à l’intérieur de son pays, assimilé à un camp retranché, des êtres humains innocents, et – un comble ! – le monde appelé libre fermait les yeux sur cette indicible abomination, en se réfugiant derrière l’ignorance et sa « difficulté de comprendre la Russie »…

Eh bien, aussi incroyable cela puisse paraître, mais la même situation – fondamentalement la même ! – se répète actuellement à Moscou.

Réveillons – nous : dans quel monde vivons – nous tous, actuellement ? Dans celui des années 1930, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, un monde cloisonné, hermétique, bloqué par les totalitarismes, où la moitié de la population de notre planète puisait toutes ses informations auprès de la seule et unique source existante – le journal du PC « La Pravda » ? Ou dans celui de 2016, un monde globalisé, interconnecté en permanence par les réseaux sociaux, où les flux d’informations circulent librement dans une immense maison de verre, et où simple clic Google abat instantanément les frontières ?

Vivons – nous toujours dans un monde où l’Occident continue à préférer « ignorer » les ignominies qui se perpétuent derrière un «rideau de fer», inexistant aujourd’hui, cet Occident, inhibé par la peur panique de Poutine, cet Occident qui renie ses propres valeurs fondatrices et qui risque donc de sortir de l’Histoire, en ce XXI siècle?

Ou vivons – nous dans un monde qui peut ouvrir un nouvel horizon aux jeunes générations, à travers notre planète commune, où la liberté et la dignité humaines sont des principes de base non-négociables?

A chacun de nous de répondre à ces questions qui engagent le sens profond de nos vies.

Et se mobiliser d’urgence pour libérer Roman ! Car si nous ne le faisons pas – nous tous, tout de suite – qui sera le prochain sur la liste de la prison de Lefortovo ? Moi, natif de Moscou, ancien diplomate russe? Vous, chacun de vous, vous tous, préférant rester, dans cette situation, sourds et muets face à l’expansionnisme agressif du Mal ?

Par Alexandre Melnik

Source: Le cercle des libéraux