Cette tribune a été initialement publiée dans EURACTIV.fr

Federica Mogherini lors d’une réunion avec le ministre russe des Affaires étrangères. [Commission]
Soixante-cinq experts et parlementaires de 21 pays ont signé une déclaration reprochant à la cheffe de la diplomatie européenne de ne pas prendre assez de mesures contre la désinformation russe.

La déclaration arrive à point nommé, alors que se tient le 13 novembre le Conseil européen Affaires étrangères, lors duquel la désinformation russe sera discutée puisque plusieurs ministres européens sont ouvertement déçus par Federica Mogherini.

Les signataires de cette déclaration représentent des secteurs majeurs de la politique occidentale et des centres de sécurité – du vice-président du Parlement européen à l’architecte de la loi Magnitski, Bill Browder, en passant par le responsable de la réponse finnoise à la désinformation russe, Markku Mantila, qui était dircom du cabinet du Premier ministre finlandais, et ancien président de Radio Free Europe/Radio Liberty Jedmin Jeffrey.

Les 65 experts appellent les dirigeants européens, et surtout Federica Mogherini, à «arrêter d’éviter de nommer la Russie en tant que principale source de désinformation hostile», et de prendre des mesures pratiques comme «tripler la capacité de l’équipe East Stratcom du Service européen pour l’action extérieure».

En face, la Russie ne lésine pas sur les moyens: 300 millions d’euros sont consacrés à la propagande russe chaque année, notamment par les canaux de Russia Today et de Sputnik.

Ce n’est pas la première fois que Federica Mogherini est accusée de ne pas prendre les menaces hybrides de la Russie assez sérieusement, et notamment de ne pas octroyer suffisamment de fonds et d’effectifs à l’équipe East Stratcom, le bras armé de l’UE contre la propagande russe.

«Alors que les dirigeants européens ont donné au Service européen pour l’action extérieure (SEAE) la mission de contrer la campagne de désinformation russe il y a deux ans, l’équipe en question (la East STRATCOM Task Force) manque encore cruellement de personnel avec seulement trois experts nationaux se concentrant sur cette mission cruciale. Le SEAE devrait tripler ses effectifs pour enfin commencer à remplir son mandat sans plus tarder», écrivent les experts. Ils estiment par ailleurs que cette unité temporaire devrait être transformée en une structure permanente du SEAE et être dotée d’au moins un million d’euros pour des recherches ciblées.

La Russie, cet agresseur

Les experts affirment que malgré le sérieux de cette menace, peu de dirigeants politiques occidentaux nomment l’agresseur. «À titre d’exemple, la haute représentante de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité, Federica Mogherini, a passé les deux dernières années à tenter d’éviter de nommer la Russie comme principale source de désinformation agressive. Si l’Europe veut défier cette menace, les responsables politiques doivent l’appeler par son nom. Les dirigeants russes doivent entendre des représentants européens que ces efforts hostiles et subversifs contre nos démocraties doivent cesser.»

Par ailleurs, les experts appellent les États membres de l’UE à reconnaître la menace hybride de la Russie et à mener ensemble des recherches ciblées afin d’obtenir des données précises sur les segments de la société les plus vulnérables à la propagande du Kremlin.

Néanmoins, il est peu probable que Federica Mogherini, qui traite de nombreux dossiers pour lesquels elle compte sur la coopération russe, s’embarque dans une campagne conflictuelle vis-à-vis de la Russie.

Selon les responsables de East Stratcom, il n’est pas nécessaire de centraliser à Bruxelles tous les efforts pour contrecarrer la propagande et la désinformation russes. Une approche plus productive serait une plus grande action de la part des États membres.

Toutefois, tous les États membres ne perçoivent pas la menace hybride russe de la même manière – loin de là – certains dirigeants ont même appelé à la levée des sanctions européennes contre la Russie. Néanmoins, au moment de voter le renouvellement des sanctions tous les six mois, aucun responsable national n’a jusqu’à présent fait usage de son véto.

Par : Georgi Gotev | EURACTIV.com | translated by Marion Candau