Par : Christophe Leclercq | translated by Mathilde Mortier

Depuis janvier 2018, 39 experts désignés (société civile, plateformes de médias sociaux, organes de presse, journalistes et universités) conseillent l’Union sur des mesures politiques visant à contrer les «fake news» et la désinformation en ligne. [@DSMeu]
Le groupe d’experts européens de haut niveau sur les fausses informations a publié un rapport reprenant des recommandations pour lutter contre les «fake news». Christophe Leclercq se penche sur son impact à l’approche des élections européennes.

Fondateur d’Euractiv et de la fondation Euractiv, Christophe Leclercq est l’un des membres du groupe d’experts de haut niveau (GHN) sur les fausses informations et la désinformation en ligne. Il est également le rapporteur du sous-groupe représentant la presse.

Depuis janvier 2018, 39 experts désignés (société civile, plateformes de médias sociaux, organes de presse, journalistes et universités) conseillent l’Union sur des mesures politiques visant à contrer les « fake news » et la désinformation en ligne.

Compte tenu des divergences d’intérêts, il semble incroyable que nous parvenions à un consensus ce sujet sensible. Si nous y sommes parvenus, c’est que l’enjeu dépasse l’intérêt économique : il s’agit de l’avenir de nos démocraties, en Europe et aux États-Unis. Avec moins de désinformation, l’élection de Donald Trump et le Brexit n’auraient pas eu lieu.

Les «fake news» ne sont pas des informations «fausses» ou «illégales»

Définissons tout d’abord les « fake news ». Il ne s’agit pas d’informations « illégales », telles que la diffamation ou la publication de contenu raciste, qui sont déjà réglementés par de nombreuses lois. Il ne s’agit pas non plus de satires ou d’erreurs, qui peuvent être corrigées. Notre groupe étudie la désinformation « intentionnelle », pour un motif politique ou commercial. Actuellement, la Russie est responsable d’un grand nombre de fausses informations. Elles peuvent aussi provenir des États membres.

C’est ce type de fausses informations qui représentent un véritable défi. Un juge ne peut pas simplement interdire la désinformation. Tout d’abord en raison de la vitesse à laquelle elle se propage sur les réseaux sociaux et d’autres plateformes numériques. Ensuite, il est bien souvent difficile d’établir la vérité, du point de vue juridique. Enfin, et surtout, parce que ce type de mesures reviendraient à de la censure.

Diluer les fausses informations avec des informations de qualité

Le groupe d’experts de haut niveau propose six mesures pour affaiblir la désinformation avec un meilleur contenu : quatre sur le fond et deux sur la mise en œuvre.

Éducation aux médias: nous nous accordons sur la nécessité d’une éducation aux médias, c’est-à-dire développer l’esprit critique des citoyens. Les journalistes et autres professionnels des médias doivent également développer de meilleures compétences: vérification des faits, innovation et journalisme de données.

Transparence : nous devons exploiter la vitesse des plateformes, tout en ne leur laissant pas les choix éditoriaux. Il est indispensable pour les utilisateurs et les publicitaires de connaître l’origine du contenu. Cela s’applique également aux publicités et au contenu sponsorisé, afin que les contenus douteux ne soient pas mis en avant.

Qualité: pour nourrir et influencer les algorithmes des plateformes en ligne, nous avons besoin d’indicateurs de transparence des sources, en collaboration avec les conseils de presse et des ONG. Ils permettront d’augmenter la visibilité des informations de qualité tout en réduisant la désinformation, au lieu d’essayer de la tuer. Cette approche positive reçoit un soutien important.

Financement privé et public : pour fournir une information de qualité, le journalisme doit survivre ! L’UE va développer une Stratégie de viabilité des médias d’information européens pour le mandat 2019-2024. Des fonds des programmes de recherche et développement, de formation et des programmes sociaux sont disponibles. L’Union se penche actuellement sur son budget à long terme.

Nous nous sommes penchés sur la définition d’un cadre de « corégulation ». Notre groupe recommande la mise en place d’une coalition entre plusieurs acteurs afin de parvenir à un code de pratiques, pour assurer la mise en œuvre, le suivi et le réexamen régulier des mesures convenues. Ces mesures pourraient avoir un impact à court terme à l’approche des élections européennes de 2019.

Cette corégulation comprend des mesures volontaires et des actions politiques lorsque les objectifs ne sont pas atteints. À titre d’exemple, l’année dernière, Google a reçu une grosse amende pour ne pas avoir respecté ces mesures ; Apple remboursera les avantages fiscaux accordés par l’Irlande.

Quelques questions sur le rapport du GHN

J’ai assisté à la conférence de presse autour de notre rapport et j’ai entendu quatre questions qui revenaient souvent, j’y répondrai donc clairement.

Avons-nous rempli notre tâche en tant que groupe de haut niveau ? Oui, car tous les acteurs ont participé de manière constructive.

Cela aura-t-il un réel impact ? Certainement, car le suivi est fondé sur la corégulation. Nous proposons une approche positive, notamment en encourageant les plateformes.

Est-ce le moment opportun ? Probablement, nous nous rencontrerons à deux reprises pour réexaminer les mesures convenues avant les élections en mai 2019 : en novembre et au printemps prochain. De plus, la Commission présentera d’autres mesures en mars 2019.

Y aura-t-il encore des «fake news» après 2019 ? Évidemment, mais nous espérons juste réduire leur nombre et leur portée.

La majorité des membres du groupe d’experts européens de haut niveau sur les fausses informations sont satisfaits, notamment les médias. Un défi qui constitue pour eux une occasion de mettre en valeur au mieux le travail des journalistes.

Par : Christophe Leclercq | translated by Mathilde Mortier

Source: Euractiv.fr