La Russie a tiré sur trois navires de l’armée ukrainienne aux abords du détroit de Kertch, qui separe la mer d’Azov de la mer Noire. La Russie a capturé ces trois navires et six marins ukrainiens ont été blessés. Les médias russes ont évité jusqu’au dernier moment de reconnaître ces faits, en relatant l’incident, et de dire que des militaires russes avaient ouvert le feu sur des marins Ukrainiens. La Première chaine russe a ainsi attendu le soir du 25 novembre, soit plus de 12 heures, avant de confirmer qu’un navire ukrainien avait été éperonné. Et c’est seulement plus tard dans la nuit que les médias propagandistes russes ont commencé à rapporter que le «FSB a signalé la capture de trois navires ukrainiens». Ils ont alors précisé que des armes avaient été utilisées «afin de forcer les embarcations à s’arrêter». Ce qui est arrivé a été décrit comme une «agression navale contre la Fédération de Russie», initiée par Petro Porochenko pour «gagner l’élection présidentielle».

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La thèse principale developée par la Russie à propos de cette escalade militaire dans le détroit de Kertch est simple: «Kiev a organisé une provocation». Malgré le fait que les Forces navales de l’Ukraine ont bien signalé le transit de leurs navires de guerre par le détroit et fait toutes les déclarations nécessaires, les autorités occupantes de la péninsule de Crimée insistent: «Les demandes conformes aux procédures établies n’ont pas été faites, les navires ukrainiens n’étaient pas inclus dans le planning».

A 22h00 (heure de Moscou) les médias russes faisaient encore silence à propos des tirs. Par exemple, la correspondante de Perviy Kanal, Veronika Kotkova a seulement indiqué: «Pour le moment je peux dire que les navires ukrainiens ne continuent pas leurs mouvement, ils ont été stoppés jusqu’à nouvel ordre».

Jusqu’à ce moment, les médias ne parlaient que «de violations et de provocations de la part de l’Ukraine». «Les navires ukrainiens ont commis une agression maritime contre la Fédération de Russie et ont foulé aux pieds le droit maritime international», assurait un député à la Douma de la Fédération de Russie Dmitry Belik pour RIA Novosti, fabriquant ainsi une réalité parallèle. Mr.Belik a également déclaré que «la Russie n’implique pas ses militaires dans des aventures, contrairement à l’Ukraine». «Et si on a montré sa place à l’Ukraine, en la pousssant vers des eaux internationales, il ne faut pas faire de grandes discours à propos d’un «éperonnage», de «provocations», ou d’une «attaque». De plus, nos navires ont fait de grands progrès dans leur développement technologique, nous n’utilisont pas l’éperonnage», a affirmé le député.

Et cela n’a pas empêché que, plus tard les médias ont confirmé cet éperonnage du navire ukrainien. Un correspondant de NTV à expliqué en direct (à partir de 03:13): «Le navire de patrouille «Don» a été obligé de bloquer l’accès des navires ukrainiens et littéralement d’éperonner le remorqueur ukrainien, pour empêcher les provocateurs d’entrer dans les eaux territoriales russes».

On peut aussi citer l’article de RIA Novosti: «Un expert évoque l’expérience israélienne dans le défense des zones interdites». L’article cite l’ancien chef des services de renseignement israéliens «Nativ», Yakov Kedmi, connu par ses opinions pro-Poutine. Il rapporte que «les Forces navales israéliennes ont pour règle d’agir avec rigueur au cours de la défense des zones interdites. Elles sont obligées de tirer des coups de semonce et répondre immédiatement à toute agression».

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La deuxième idée la plus répandue est que cet incident a été initié par le président ukrainien Petro Porochenko ou par les «Etats-Unis qui supervisent tout», pour améliorer sa popularté et gagner les prochaines élections présidentielles. Par exemple, Leonid Slutskiy, président de la commission des affaires internationales de la Douma a décrit l’incident comme «une agonie avant les élections». Et pour la porte-parole du ministre russe des Affaires étrangères Maria Zakharova il s’agit de «méthodes de bandits».

Il convient de préciser que dans l’émission «Vesti» de la chaine de télévision Rossia-24, à partir de 15h 00 (heure locale), chaque expert invité a été interrogé à propos du lien possible entre cette «provocation» et la position de Petro Porochenko dans les sondages. Et on peut mentionner les réponses des invités  qui ont été diffusées tout au long de la journée:

L’expert militaire de l’agence de presse russe TASS Viktor Litovkin: «Porochenko n’est qu’une marionette sous la direction d’autres Etats. Il y a l’ambassadeur américain, il y a Volker, le représentant américain en Ukraine, qui supervise et encourage les actions de Porochenko. Ce n’est pas juste Porochenko qui agit mais c’est toute la junte qui gère l’Ukraine aujourd’hui» (à 15:00).

Président de la Commission de la Chambre de la Fédération sur la politique d’information, Alexey Pushkov: «Il ne fait quère de doutes que l’ordre est venu du président Petro Porochenko. Une telle opération est impossible sans le consentement du chef de l’Etat. A mon avis, c’est une provocation délibérée avec plusieurs objectifs… Tout d’abord, Porochenko doit augmenter sa cote de populartité. Il a seulement 5%. Il n’est pas populaire, à présent il se trouve à la quatrième place parmi les politiciens ukrainiens, et cela à six mois seulement avant l’élection présidentielle. Il doit accroître la tension pour réunir de cette manière les électeurs autour de lui, face à la prétendue menace russe, et pour obtenir un meilleur résultat aux élections par rapport à ceux qu’il aurait pu avoir sans cela» (émission de 16:00).

Vladimir Dzhabarov, premier vice-président du Comité de la Commission de la Chambre de la Fédération des affaires étrangères: «M. Porochenko est manifestement en train de perdre l’élection présidentielle de la fin mars. Alors, il espère aggraver la situation en Ukraine pour déclarer l’état d’urgence ou peut-être une loi martiale afin d’annuler l’élection. Il se livre ouvertement à des actes de provocation, espérant que la Russie repondra à la ménace. Ainsi il attirera la communauté internationale dans ce conflit et il tentera à nouveau de montrer la Russie comme un agresseur. Mais je suis certain que nous ne succomberons pas à de telles provocations» (à 16:00).

L’émission «Le bilan de la semaine avec Irada Zeinalova» sur NTV a résumé le tout: « Tout cela ressemble à de la provocation pure. Car pour Porochenko, la question de la Mer d’Azov est un levier qui lui permettra d’ameliorer sa position avant les élections. La guerre est son principal outil. Ses conseiller occidentaux ont pu lancer cette idée, car dans une semaine, c’est la réunion du G20; Poutine et Trump se rencontreront à Buenos Aires pour discuter des questions urgentes de guerre et de paix.»

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Porochenko n’a pas été décrit comme le seul coupable. Des accusations ont également été proférées à l’encontre de l’Occident. Ce sont, les représentants des autorités d’occupation de Crimée qui ont porté ces accusations les premiers.

Ainsi, Sergey Aksenov, le premier ministre de Crimée, a déclaré: «Je suis sûr qu’à l’origine de cette provocation se trouvent les maitres occidentaux du régime de Kiev. Ce n’est pas un hasard si les responsables politiques européens et américains s’inquiétaient de la situation dans la mer d’Azov ces derniers mois».

Grigoriy Karassine, vice-ministre russe des Affaires étrangères a déclaré aux journalistes du journal «Kommersant» que l’Ukraine et ses protecteurs occidentaux ont créé cette situation de façon artificielle autour du «problème» non-existant «de la mer d’Azov» pour avoir une excuse pour renforcer la pression sur la Russie», lit-on dans Moskovskiy Komsomolets.

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La Russie presente ses propres actions comme logiques, en réponse à l’Ukraine.

Bien avant l’agression contre les navires ukrainiens, l’expert militaire de TASS, Viktor Litovkin avait déclaré: «Parfois, il faut aller au conflit. Les insolents, ils faut leur remonter les bretelles, vous comprennez? Parce que sinon ça ne prendra jamais fin. Si nous arretons ces navires, l’Ukraine comprendra qu’il est impossible d’agir de cette manière».

En outre, les médias ont diffusé les déclarations de la soi-disant Direction des Service fédéral russe de sécurité de Crimée, assurant que l’Ukraine viole les articles 19 et 21 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. «Selon les déclarations des médias ukrainiens, des responsables auraient envoyé des demandes pour passer par le détroit de Kertch. Mais on ne sait pas à qui exactement. Comme s’ils n’acceptaient pas que la Crimée fasse partie de la Russie, apparemment, ils n’ont pas prévenu de leurs activités, tout en violant le code international ayant trait à la circulation sur l’eau », a déclaré la présentatrice de l’émission «Vesti».

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De plus, les médias de propagande ont lancé une campagne sur le bombardement de la population civile par l’armée ukrainienne dans le Donbass. «A leur tour, les nationalistes ukrainiens ont lancé un appel aux autorités du pays pour qu’elles répondent à la Russie par des arrestations en masse de citoyens ukrainiens qui ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement. Tout d’abord, les chefs de l’opposition ukrainienne. L’armée ukrainienne a entamé un pilonnage des quartiers résidentiels de la République populaire autoproclamée de Donetsk», lit-on dans Ukraina.ru.

Par Olena Churanova